L’Organisation mondiale de la santé recommande de ne pas dépasser une heure d’écran par jour pour les enfants âgés de deux à cinq ans. Pourtant, selon Santé publique France, la plupart des enfants dépassent largement ce seuil.
Les chiffres sont sans détour : la télévision s’impose comme une habitude dominante chez les plus jeunes. Les études les plus sérieuses sonnent l’alerte : multiplication des troubles du sommeil, progression des défis scolaires, hausse des risques d’obésité. Derrière le problème de temps passé devant l’écran, un fossé social se creuse, rendant certains enfants bien plus vulnérables face à cette nouvelle norme numérique.
Pourquoi le temps passé devant la télévision peut-il nuire au développement des enfants ?
En France, le salon s’est peu à peu saturé d’écrans, jusqu’à façonner les gestes et repères des enfants. Selon le CSA, une famille type cumule près de six écrans. Dans cet environnement, la télévision n’est plus un objet annexe : elle devient rapidement distraction, présence rassurante ou réponse à l’ennui. Mais s’y fier de manière systématique revient à laisser de côté une chose capitale pour l’enfant : l’expérience vivante du monde.
Face à l’écran, le cerveau se met en mode spectateur. Ce temps passif réduit la possibilité d’explorer, de créer, d’inventer au contact de l’entourage. La parole se raréfie, la motricité s’endort, la créativité se fait timide. Si l’adulte donne l’exemple d’un usage raisonné, l’enfant suit. Mais si l’adulte s’absente derrière ses propres écrans, l’enfant retient la leçon, parfois sans retour en arrière.
Les effets d’une exposition non maîtrisée sont documentés par l’INSERM : vocabulaire limité, frein sur les apprentissages, difficultés à tisser des liens avec les autres. Chaque heure devant la télévision est autant de terrain perdu pour les jeux actifs et la socialisation. L’attention y perd, la sédentarité gagne, le sommeil s’effrite.
Pour canaliser ce phénomène, plusieurs leviers sont à mobiliser :
- Les parents : leur rôle consiste à encadrer, expliquer, fixer des bornes claires selon l’âge.
- L’exemplarité : le comportement de l’adulte sert de modèle direct à l’enfant.
- Le dialogue : parler des émissions, accompagner, questionner, tout en donnant du sens aux images et aux messages reçus.
La télévision, dès la petite enfance, dépose des traces, imprime des habitudes et modèle la façon dont l’enfant grandit ou apprend à vivre avec les autres. La vigilance active des adultes peut influencer durablement ce rapport à l’écran.
Les risques invisibles : santé, apprentissages et bien-être émotionnel
L’enfant absorbé par la télévision semble calme, mais ce calme masque un réel danger. Moins d’activité, plus d’heures passées immobile : le corps s’éloigne du mouvement. Les habitudes alimentaires se dérèglent, le système cardio-vasculaire faiblit, le surpoids s’invite. L’INSERM estime qu’un enfant peu actif pourrait perdre jusqu’à un quart de ses capacités physiques à force d’inactivité précoce. Mais l’impact va bien au-delà du corps.
Les capacités cognitives prennent, elles aussi, un coup : concentration fragmentée, mémorisation moins efficace, vocabulaire qui stagne. À force de zapper ou d’absorber passivement les contenus, l’enfant perd l’habitude de l’effort soutenu. Les opportunités d’échanger diminuent, réduisant la possibilité de se construire soi-même et de développer ses aptitudes sociales.
Côté émotionnel, l’exposition prolongée à la télévision affaiblit la qualité du sommeil, accentue l’anxiété et fragilise l’estime de soi. Certaines images ou scénarios inadaptés augmentent l’agitation ou renforcent l’écart entre enfants selon que les règles à la maison sont strictes ou plus souples.
Mettre en place des repères simples pour accompagner son enfant au quotidien
Instaurer un cadre autour de la télévision relève d’une décision consciente, renouvelée chaque jour. Les recommandations sont claires : moins d’une heure d’écran avant l’âge de quatre ans, jamais plus de deux heures jusqu’à l’entrée dans l’adolescence. Avant dix-huit mois, il est conseillé de ne même pas proposer de temps devant la télévision. En France, certains professionnels encouragent même à attendre six ans avant d’introduire l’écran comme activité autonome.
Pour guider les familles parmi tous ces repères, plusieurs méthodes sont éprouvées. Le schéma « 3-6-9-12 » de Serge Tisseron avance l’idée d’aucun écran avant trois ans, usage accompagné jusqu’à six, autonomie progressive et graduée par la suite. Sabine Duflo propose, elle, de bannir les écrans le matin, pendant les repas, dans les chambres et avant de dormir. D’autres organismes plaident aussi pour privilégier l’activité physique et les échanges en famille, loin des écrans.
Voici quelques pratiques concrètes qui permettent de tenir ce cap jour après jour :
- Définir des créneaux fixes : la télévision, c’est à des horaires précis, connus d’avance.
- Proposer d’autres activités comme les jeux, la lecture ou les sorties, qui rendent l’écran beaucoup moins attractif.
- Être cohérent au quotidien : l’enfant se nourrit de l’exemple que donnent les adultes autour de lui.
- Échanger avec l’enfant sur les programmes regardés, aider à décoder les situations ou personnages, donner du recul.
Ce n’est ni l’interdiction stricte, ni le laxisme qui aide l’enfant à se construire, mais un accompagnement attentif, là pour soutenir une croissance harmonieuse et un rapport serein à la télévision.
Écrans et inégalités : quand le contexte social influence l’exposition des enfants
Dans beaucoup de familles, la multiplication des écrans met aussi en évidence des différences sociales fortes. Le CSA rappelle que six écrans, tous dispositifs confondus, représentent la norme. Cette abondance n’est pas anodine : selon le milieu familial, les pratiques d’accompagnement changent, et les usages des enfants se transforment. Santé publique France montre, via l’étude ENABEE, que les enfants issus de foyers plus modestes passent souvent davantage de temps devant les écrans. La gestion du temps numérique dépend alors directement du niveau d’encadrement, qui lui-même varie fortement selon les ressources, l’éducation ou le contexte familial.
L’ARCEP avance des chiffres parlants : avant douze ans, près de la moitié des filles et un tiers des garçons possèdent déjà leur propre téléphone. L’entrée dans le numérique se fait vite, et les écarts se creusent dès la primaire. L’environnement joue alors un rôle clé : routines de la maison, disponibilité d’un adulte, qualité de la communication, chaque élément compte dans la capacité de l’enfant à résister aux sollicitations de l’écran.
Voici ce qui influence concrètement l’exposition des enfants à ces dispositifs :
- Le nombre d’écrans chez soi : plus ils sont nombreux, plus il devient difficile d’en contrôler l’usage.
- L’implication des adultes dans la régulation du temps d’écran : un cadre clair protège des débordements.
- Le contexte économique et culturel familial : il conditionne la manière de gérer, d’expliquer ou de négocier avec l’enfant autour des écrans.
L’inégalité d’accès, de temps ou de contrôle s’installe jusque dans la chambre d’enfant. Penser la présence de la télévision dans le quotidien des plus jeunes suppose d’aller voir, aussi, comment l’environnement familial oriente chaque geste, chaque regard posé sur l’écran. Cette vigilance partagée façonne le bien-être et la trajectoire de toute une génération.


